SOUSTIEL Joseph

(Salonique, 1904- Paris, 1990)
Antiquaire et expert en art islamique

D’un village d’Espagne à Salonique, de Salonique à Janina, en sillonnant les Balkans, puis à Istanbul et, pour finir, à Paris, la famille Soustiel a partagé l’odyssée des Juifs sépharades chassés d’Espagne en 1492.

Né le 10 mai 1904, Joseph Soustiel est l’héritier d’une dynastie d’antiquaires dont les ancêtres, Abraham et son grand-père Moïse (1836-1916), fondèrent un magasin d’antiquité à Salonique en 1883, avec des dépôts à Skopje (Üsküb), Sarajevo et Istanbul. Treize ans plus tard, son père, Haïm (1871-1939), s’installe à Istanbul où il ouvre un magasin dans le grand bazar (Tarakçılar Sokak), puis un second dans le Zincirli Khan en 1913. Après avoir suivi des études primaires et secondaires à l’École des Frères à Salonique, puis à l’École allemande d’Istanbul, Joseph quitte la capitale ottomane, en octobre 1921. Alors qu’il se rend à Tunis à bord du Mega Hellas, une violente tempête oblige son bateau à faire escale à Marseille. Il en profite pour rejoindre son oncle Albert à Paris. En 1926, il s’associe avec Berthe Léger-Eskénazi (m. 1929), une antiquaire installée à quelques pas de l’Hôtel Drouot, au 26 rue Grange-Batelière, et développe l’enseigne Art Musulman. En 1935, il épouse Irène Eskénazi la fille de son associée, et la même année le jeune couple s’installe au 146 boulevard Haussmann.

Membre depuis 1945 du Syndicat des Négociants en Objets d’Arts (futur Syndicat National des Antiquaires), Joseph Soustiel obtient la naturalisation française en 1947. Parfait polyglotte et grand connaisseur des arts de l’islam, il participe à la naissance du Comité France-Turquie en 1949 et veille, dès 1952, avec Jean David-Weill à l’organisation de la première exposition consacrée à l’Art turc au Pavillon de Marsan du musée des Arts Décoratifs de Paris (Splendeur de l’Art Turc, février-avril 1953). Grâce à sa précieuse collaboration, « 413 pièces parmi les plus caractérisques et les plus expressives de l’art turc » sont autorisées à sortir pour la première fois de Turquie. Il profite de cette manifestation pour publier un petit manuel : L’Art turc. Céramiques, tapis, étoffes, velours, broderies (Paris, La Colombe, 1952). Si Joseph possédait une remarquable connaissance des arts de l’islam, ses domaines les plus chers restèrent les textiles et la céramique islamique à laquelle il consacra plusieurs articles. Mécène, il fut un généreux donateur qui contribua à l’enrichissement des collections islamiques du Louvre, du musée national de la céramique à Sèvres, du musée des Arts décoratifs, ainsi que de nombreux musées de province, de Turquie (portière du türbe vert et berceau du sultan Mahmud II au musée de Bursa) et dans le monde. Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1977, il cèda sa galerie à son fils Jean à partir de 1983. Il mourut à Paris le 25 janvier 1990.

Frédéric Hitzel, CNRS

Notice publiée dans François Pouillon (éd.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Editions Karthala, Paris, 2008, pp. 908-909.